1- Une manipulation grossière
Quand pôle emploi fabrique des statistiques sur mesure pour justifier la dégressivité.
Elle occulte les deux variables centrales de la durée d’indemnisation : l’âge et la durée des droits ouverts au chômage.
Pourquoi est-ce que celles et ceux qui ont les indemnisations les plus faibles touchent moins longtemps des allocations ? Et bien tout simplement parce qu’ils occupaient auparavant des contrats courts qui ne leur ont ouvert que très peu de droits ! Ils arrêtent donc d’être indemnisés très vite, soit pour reprendre un contrat précaire, souvent de moins d’un mois, soit pour venir grossir les bataillons des chômeurs et chômeuses non indemnisé.e.s, qui représentent maintenant plus de 50% des demandeurs d’emplois !
Dommage que dans ces fameux chiffres, Pole Emploi ne nous dise pas quel est le motif de fin d’indemnisation : reprise d’un CDI, d’un CDD ou fin de droits et basculement sur l’allocation de solidarité ?
A l’inverse, les quelques cadres qui ont les indemnisations les plus élevées occupaient, avant d’être inscrit.e.s à pôle emploi, pour la quasi-totalité d’entre eux, des emplois stables. Ils et elles ont donc cotisé longtemps, ce qui ouvre droit à la durée d’indemnisation maximum, soit 24 mois.
En outre, le niveau de rémunération progresse avec le déroulement de carrière. Les cadres les mieux payé.e.s sont donc aussi en général celles et ceux qui ont plus de 50 ans. Sauf que, lorsque l’on a plus de 50 ans et que l’on est au chômage, retrouver un emploi est beaucoup plus long. C’est la raison pour laquelle les plus de 55 ans bénéficient encore d’une majoration de leur durée maximale d’indemnisation, de 24 à 36 mois.
Dommage donc que ces chiffres ne soient pas mis en regard avec la durée des droits ouverts. Il aurait été plus utile de connaitre le pourcentage d’utilisation des droits ouverts !
La dégressivité a fait la preuve de son inefficacité
Par contre, ce que le gouvernement oublie de préciser, c’est que la dégressivité des allocations a déjà existé en France entre 1992 et 1996, et est en place dans d’autres pays du monde. Son impact est donc bien documenté par la littérature économique. Et là, surprise, économistes de gauche comme de droite, concluent à l’inefficacité de la mesure pour inciter à la reprise d’emploi (Voir notamment le rapport OFCE de Bruno Coquet )
Les études conduites en France par l’INSEE en 2001 ont démontré que la mise en place de la dégressivité a même ralenti le retour à l’emploi ! Moralité : le premier déterminant de la durée du chômage c’est la situation économique (évidemment !), qui s’est fortement dégradée dans cette période. Mais malgré la crise, les chercheurs estiment qu’il y a un impact négatif de la dégressivité. Et démontrent que le premier levier pour améliorer les recettes, c’est l’augmentation du taux de cotisation : la hausse du taux de cotisations entre 1991 et 1995 a engendré une augmentation de 60% des recettes ! Aucune mesure n’a jamais eu cette efficacité !
Les chômeurs sont déjà très très contrôlés…
Le gouvernement a déjà mis en place depuis janvier la suspension des allocations chômage après 2 refus d’une offre d’emploi, y compris si les emplois proposés étaient à un salaire bien inférieur à celui perçu antérieurement et très éloignés géographiquement. Donc la pression est déjà énorme et les mécanismes existent déjà pour forcer les personnes privées d’emploi à accepter n’importe quoi.
2- La dégressivité, un recul pour tou.te.s les salarié.e.s
La dégressivité : cheval de Troie pour baisser les droits de tous et toutes
La dégressivité des allocations chômage des cadres est un problème pour l’ensemble des salarié.e.s.
Pourquoi ? Parce qu’une fois mise en place pour une catégorie de salarié.e.s, il sera très facile de l’étendre. Ensuite, parce que dans les annonces du gouvernement, elles visent à occulter l’essentiel des mesures d’économies qui reposeront, elles, sur les plus précaires. Il faudrait désormais avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois et non plus 4 mois sur les 28 derniers comme c’est le cas aujourd’hui. Ce qui de fait va exclure entre 250 et 300 000 demandeurs d’emploi de l’indemnisation.
Et ce sont les femmes et les jeunes, qui seront les principales victimes de cette discrimination car ils et elles subissent plus que les autres le temps partiel subi et des contrats courts, à l’image des assistantes maternelles, par exemple. Les privés d’emploi ne sont déjà que 43 % à être indemnisés, avec cette mesure, on passerait à 35 %
Déclassement à tous les étages
Notons en outre que ces mêmes études économiques pointent que la dégressivité a pour conséquence l’obligation pour des cadres d’accepter des boulots moins qualifiés, moins bien payés et ne correspondant pas à ce qu’ils cherchent. Cela accentue le turn over sur ces emplois, les salarié.e.s en question les quittent dès qu’ils ont une meilleure opportunité. Et surtout, cela fragilise les salarié.e.s moins qualifié.e.s ou plus jeunes qui se retrouvent en concurrence avec des cadres pour des emplois intermédiaires ou d’exécution ! Le déclassement à tous les étages.
Report vers l’épargne individuelle
Les études notent que la dégressivité remet en cause le caractère assurantiel du régime et risque de fragiliser son financement. Rappelons que les cotisations des cadres apportent 42% des recettes du régime, et leurs allocations seulement 15%.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils sont moins au chômage. Qu’est-ce qui fait que personne ne renâcle à consacrer près d’un mois de salaire chaque année au financement de l’assurance chômage ? Le fait que cela garantit à toutes et tous le maintien du niveau de vie en cas d’aléa. Etre assuré d’allocations chômage de bon niveau en cas d’accident de carrière c’est déterminant d’un point de vue économique, pour se sécuriser, mais aussi pour se garantir sa liberté d’expression et des possibilités d’avoir des exigences sur le contenu de son travail. Baisser les droits chômage, c’est forcer les salarié.e.s et notamment les cadres à conserver leur emploi coûte que coûte.
C’est donc les priver de tout rapport de forces pour obtenir un contenu de travail correspondant à leurs aspirations ou à leur éthique, des augmentations salariales, un temps de travail limité….
Les allocations chômage ne garantissant plus le maintien du niveau de vie, celles et ceux qui en ont les moyens sont incités à épargner pour se protéger des accidents et des imprévus. Et c’est exactement l’objectif d’Emmanuel Macron, développer l’épargne individuelle pour ouvrir un grand marché aux assureurs et aux banquiers.
Rappelons que dans les premières propositions de réforme de l’assurance chômage du gouvernement prévoyaient un étage obligatoire de droit commun avec des allocations basses et plafonnées, et un étage complémentaire optionnel pour les cadres, géré par des assurances.
La dégressivité et le plafonnement des allocations : un changement de philosophie du système
En plafonnant les allocations, on passe d’un régime donnant droit au maintien du niveau de vie des salariés à un système de filet de sécurité minimum avec des indemnités plafonnées et conditionnées.
Résultat : pour maintenir leur niveau de vie, celles et ceux qui en ont les moyens financiers seront renvoyés vers les assureurs. On passe ainsi de droits acquis par les cotisations et dus aux salariés à des aides sociales consenties au nom de la solidarité nationale et devant être « méritées » donc conditionnées. Cadres, retraités ou fonctionnaires, les plus gros contributeurs seront aussi ceux qui bénéficieront le moins du système.
C’est ainsi que l’on organise le « ras le bol fiscal » et que l’on fabrique l’« assistanat ». Rien de tel pour diviser le salariat.
Vous avez déjà entendu des salarié.e.s se plaindre du montant trop élevé des cotisations sociales qu’ils paient ? Non, parce que tout le monde sait que c’est ce qui nous garantit le maintien de notre niveau de vie à la retraite, au chômage ou en arrêt maladie. Par contre sur les impôts c’est autre chose !
3- La solution : augmenter les cotisations des cadres sup
Le déficit n’est pas lié à des allocations trop généreuses mais au désengagement de l’Etat
Contrairement à la propagande du gouvernement, le régime d’assurance chômage n’est pas en déficit du fait de ses allocations trop généreuses, mais parce que 10% des recettes de l’UNEDIC sont captées pour financer Pôle Emploi. Une mission de service public qui ne devrait pas être financée par les cotisations mais par l’Etat…
L’augmentation des cotisations : la meilleure mesure pour générer de nouvelles recettes
Les chiffrages de l’UNEDIC démontrent que mettre à contribution les cadres dirigeants et instaurer des cotisations chômage sur la part des salaires supérieurs à 13 500€ permettrait de dégager 700 millions d’euros de recettes supplémentaires et concernerait d’abord les grandes entreprises qui concentrent les plus hauts salaires. Plutôt que la dégressivité et le plafonnement des droits des cadres, c’est au contraire le déplafonnement des allocations et des cotisations qu’il faut mettre en place pour mieux protéger tout le monde.
Pourquoi le gouvernement refuse ? Tout simplement parce que cela forcerait les grandes entreprises à payer…un tout petit peu plus. Ca ne vous rappelle rien ?
Le refus du gouvernement de rétablir l’ISF, et dans le même temps, au nom de la justice sociale, l’exclusion d’une partie des cadres de l’exonération des impôts locaux. Le populisme pour mieux occulter et faire passer une politique favorable aux ultra riches.
la pétition commune
Ugict-CGT / CFC-CGC
« Non à la Dégressivité des Allocations Chômage ! »
sur Change.org